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06 JAN 2025

Margot Roux : Une approche plus résiliente pour produire de la nourriture saine et locale

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Margot Roux, agronome française de 35 ans, est sur le front de l’agroécologie à Maurice. Coordinatrice de projet chez Terres d'Agroécologie, elle met à profit son double master européen en développement agricole durable, avec une spécialisation en régions tropicales, pour transformer les pratiques agricoles locales.

Expliquez-nous la mission de Terres d’Agroécologie.

 Terres d’Agroécologie est une association qui œuvre au développement de la filière agroécologique à Maurice. Depuis dix ans, sa mission est de construire une communauté d’agriculteurs engagés dans la transition agroécologique à l’échelle nationale ainsi que dans la zone sud-ouest de l’Océan Indien. Parmi ses activités, l’association se distingue par l’expérimentation de pratiques agroécologiques innovantes, notamment à travers la production de fruits et légumes sur ses propres fermes ainsi que sur celles de ses partenaires. Elle assure également la formation pour des professionnels en installation ou en conversion. De plus, elle promeut la sensibilisation à l’agroécologie.

Quels sont les projets clés ?

Les projets concrets de Terres d’Agroécologie comprennent l’académie de Terres d’Agroécologie, un réseau de formation dédié aux agri-preneurs, le label Terres d’Agroécologie qui certifie la qualité agroécologique des productions fermières, et l’e-Market Terres d’Agroécologie, une plateforme de vente directe entre les producteurs et les consommateurs des produits issus d’exploitations agricoles labellisés, en évitant les intermédiaires qui font augmenter les prix.

De Le Vélo Vert, l’association est désormais connue comme Terres d’Agroécologie. Pourquoi ce changement d’identité ?

À l’occasion de ses dix ans et pour réaffirmer ses ambitions, l’association a adopté une nouvelle identité en créant une marque collective : Terres d’Agroécologie. Ce changement de nom est plus qu’un symbole : c’est le début d’une nouvelle ère pour notre communauté engagée dans la transition agroécologique, tant à Maurice que dans la zone sud-ouest de l’océan Indien. Il représente également l’évolution de notre expertise et de nos partenariats mis en place pour renforcer une filière agroécologique durable et financièrement viable. 

Comment l’agroécologie aide-t-elle à la sécurité alimentaire du pays ?

L’agroécologie est une approche plus résiliente pour produire de la nourriture saine et locale. Elle contribue à renforcer la sécurité alimentaire en aidant le pays à mieux surmonter les crises sociales et économiques, tout en garantissant un accès régulier à une alimentation de qualité pour la population mauricienne. 

Comment favorise-t-elle la santé publique ?

Terres d’Agroécologie, à travers son label en production agroécologique, interdit l’utilisation de produits chimiques de synthèse dans ses cultures, ces substances étant potentiellement nocives pour les consommateurs et l’environnement. Par ailleurs, la culture de légumes adaptés localement dans un sol fertile garantit des produits de bonne qualité, favorisant ainsi une meilleure santé des consommateurs. De plus, la production locale permet de privilégier la vente en circuit court, réduisant ainsi la nécessité de traitements liés au stockage et au transport des produits.

Quels sont les avantages de l’agroécologie ?

L’agroécologie contribue à la sécurité alimentaire, à la valorisation et à l’amélioration des conditions des agriculteurs. Elle contribue également à la protection de l’environnement, à la promotion de la santé des consommateurs et au développement d’une résilience accrue face aux crises sociales et économiques. 

Quels sont les défis ?

Les défis en agroécologie incluent, par exemple, la recherche de graines ou de boutures de plantes adaptées localement et non traitées. Un autre défi réside dans la formation des agriculteurs et leur accompagnement tout au long de leur installation. C’est d’ailleurs là qu’intervient Terres d’Agroécologie. Le foncier est également un sujet-clé dans le développement de l’agroécologie.

Quelles sont les innovations apportées par Terres d’Agroécologie dans ce domaine ?

C’est difficile de dire que ce sont des innovations au sens propre du terme. Mais Terres d’Agroécologie met en œuvre des pratiques qui favorisent une agriculture durable et respectueuse des sols, sans recours aux intrants chimiques. L’accent est mis sur la recherche de variétés de cultures adaptées aux conditions locales et aux différentes saisons, tout en préservant la fertilité des sols. L’association valorise également des plantes oubliées qui peuvent apporter de nouvelles possibilités aux agriculteurs. En outre, Terres d’Agroécologie forme des agri-preneurs via son académie pour transmettre ses méthodes, permettant ainsi aux agriculteurs de les adopter et de les diffuser sur le terrain. 

Avec les effets du changement climatique dont Maurice n’est pas à l’abri, quelle est l’importance de l’agroécologie ?

En agroécologie, on privilégie la culture d’une diversité de produits adaptés aux conditions locales. Par exemple, une parcelle peut associer différentes cultures comme des bananiers, du gingembre, du maïs et des laitues. Ce type de pratiques contribue à renforcer la résilience des systèmes de production face aux aléas climatiques. La diversité des cultures, quant à elle, augmente les chances pour les producteurs d’avoir des récoltes, même en cas de défis météorologiques imprévus. 

Comment sensibilisez-vous la communauté locale à l’importance de l’agroécologie ?

Terres d’Agroécologie fait un important travail de communication à travers les médias, notamment la radio, la télévision et la presse écrite, etc. L’association participe également à des salons, des foires ou encore aux Assises de l’Agriculture. Par ailleurs, elle organise régulièrement des chantiers sur le terrain pour sensibiliser à l’agroécologie. Jusqu’à présent, Terres d’Agroécologie a mené de nombreuses sessions de « team building » sur son site, pour faire découvrir l’agroécologie. Nous avons aussi l’académie de Terres d’Agroécologie à laquelle les agri-preneurs peuvent s’inscrire moyennant le coût des modules qu’ils suivront.

Parlez-nous des progrès qui ont été faits jusqu’ici.

Terres d’Agroécologie a mis en place une Académie de formation destinée aux agriculteurs professionnels, qu'ils soient en installation ou en conversion. Elle a déjà complété plusieurs programmes de formation. L’association a également développé une ferme pédagogique et expérimentale produisant des fruits, légumes et épices, ainsi que des données scientifiques pour suivre les impacts des pratiques agroécologiques.

De plus, l’association a développé une application E-Market pour la vente de produits agroécologiques, actuellement en phase de test, et lancé un label en agroécologie afin de valoriser les bonnes pratiques des producteurs. L’association a développé un réseau de collaboration avec des partenaires à Maurice et dans la région de l’océan Indien, couvrant plusieurs thématiques telles que la recherche notamment. 

Parlez-nous des formations proposées à la communauté locale.

L’académie de Terres d’Agroécologie propose aux agriculteurs une formation complète principale de 26 jours sur les principes de l’agroécologie, le design de leur ferme, les pratiques agroécologiques et les moyens pour rendre leur activité durable. Cette formation s’appelle Agroécologie et Agripreneur : parcours et pratiques. Les participants peuvent suivre la totalité des modules ou uniquement ceux qui les intéressent. Nous avons également développé des formations plus courtes sur mesure, selon la demande.

Est-ce difficile de faire la promotion de l’agroécologie ?

L’un des défis majeurs pour promouvoir l’agroécologie est l’expansion de son réseau. Bien que celui-ci croisse rapidement, il est crucial de continuer à augmenter le nombre de fermes engagées dans l’agroécologie, et de formateurs. C’est ce qui permettra de toucher un public plus large, d’informer et de sensibiliser davantage de personnes sur ces pratiques.

Pourquoi est-ce important ?

Aujourd’hui, la demande pour une alimentation plus saine et respectueuse de l’environnement augmente. Les consommateurs prennent conscience des impacts négatifs de la surproduction et de l’usage des intrants chimiques sur la santé et les écosystèmes. Pour répondre à cette demande, il est essentiel de poursuivre la sensibilisation en encourageant la consommation de légumes de saison, souvent délaissés au profit des variétés courantes. Toutefois, l’un des principaux défis reste de réussir à appliquer ces pratiques à plus grande échelle pour les rendre accessibles à tous, garantissant ainsi une agriculture durable et résiliente.

Comment l’association travaille-t-elle avec d’autres organisations ou autorités locales ?

L’association Terres d’Agroécologie vient de clôturer le programme EMBEROI III, financé par l’Union européenne et qui bénéficie du soutien de la Mauritius Commercial Bank (MCB) et de l’United Nations Development Programme (UNDP). Le projet EMBEROI III a permis de renforcer les pratiques agroécologiques grâce à des partenariats solides entre les secteurs public et privé à Maurice. Il a facilité les échanges avec la région.

Depuis son lancement en septembre 2022, le projet EMBEROI III a conduit à la création d’une académie dédiée à la formation des agri-preneurs et professionnels agricoles, qui a formé une quarantaine d’agri-preneurs sur deux cohortes entre 2023 et 2024. Le réseau de fermes agroécologiques, développé dans le cadre du programme, a également permis de démontrer l’efficacité des pratiques écologiques à travers des exemples concrets de maraîchage, d’agroforesterie, de production de compost et de conservation des ressources.

En outre, des efforts ont été déployés pour sensibiliser le grand public aux bénéfices de l’agroécologie, et des recherches ont été menées pour adapter ces pratiques aux conditions spécifiques de Maurice.

Y a-t-il d’autres partenariats ?

Terres d’Agroécologie a également développé des partenariats avec des organisations mauriciennes et régionales, notamment le FAREI (Food & Agricultural Research & Extension Institute), et Formaterra, un établissement professionnel de formation en agriculture à la Réunion, pour la formation. Dans le cadre de ce partenariat, Terres d’Agroécologie a accueilli des étudiants sur sa ferme pour sensibiliser à l’agroécologie. L’association accueille aussi régulièrement des stagiaires et volontaires, issues de l’Université de Maurice ou d’autres parcours.

Cette année, Terres d’Agroécologie a également intégré le réseau REAP OI (Réseau des établissements de formation agricole professionnelle dans l’océan Indien).

Nous travaillons également avec le CIRAD (Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) sur des projets de recherche et avons signé un accord scientifique et technique.

Quelle est l’importance de cet accord ?

Cet accord marque une étape clé dans l’intégration et le partage de l’expertise en agroécologie. Le partenariat vise à renforcer les capacités de recherche et d’innovation à l’échelle locale, en mettant en œuvre des projets de développement adaptés aux spécificités de Maurice et de la région de l’océan Indien. Ensemble, les deux organisations travaillent à identifier et à tester des pratiques agricoles plus durables, permettant aux agriculteurs de mieux gérer les ressources naturelles, de diversifier leurs cultures et d’accroître leur résilience face aux effets du changement climatique.

Ce partenariat avec le CIRAD s’inscrit également dans un cadre plus large, notamment à travers le projet régional « Appropriation des pratiques pour la transition agroécologique de l’océan Indien » (APTAE-OI), co-mis en œuvre avec la Chambre d’agriculture de Maurice et financé par l’Union européenne. 

Quel est l’objectif de ce projet ?

Ce projet, qui s’étend de 2023 à 2025, vise à diffuser des pratiques agroécologiques innovantes dans toute la région de l’océan Indien (Maurice, Réunion, Mayotte, Comores, Madagascar, Seychelles) et à renforcer la coopération régionale pour une agriculture durable. En parallèle, Terres d’Agroécologie a signé un contrat avec New Maurifoods Ltd, une filiale du groupe Éclosia, qui opère dans le domaine de la production et de la distribution alimentaire à Maurice. Cet accord vise la création d’une filière agroécologique à Maurice pour fournir le marché local en produits labellisés qualité agroécologique.

Ce partenariat représente une opportunité majeure pour des producteurs mauriciens de se conformer à des normes de production agroécologique, tout en valorisant leurs produits dans la grande distribution. À travers cet accord, une grille d’audit a été élaborée pour évaluer les pratiques agricoles des producteurs locaux, garantissant qu’ils respectent des critères stricts. Ce processus de labellisation permettra aux agriculteurs de recevoir une reconnaissance pour leurs efforts en matière de durabilité.

Ce partenariat va au-delà du simple contrôle de qualité ?

Oui. Il offre effectivement aux producteurs un accompagnement par la formation et l’assistance technique, ainsi qu’une visibilité internationale. De plus, l’implication d’un acteur aussi important que New Maurifoods Ltd démontre l’engagement des parties prenantes à soutenir la transition agroécologique à Maurice. Terres d’Agroécologie a également établi un partenariat stratégique avec l’UNDP dans le cadre du Fonds pour l’environnement mondial (GEF) Small Grants Programme. Ce partenariat vise à soutenir la transition agroécologique à travers le projet intitulé « Conception et expérimentation d’une approche territoriale pour l’agroécologie ». Prévu pour la période 2024-2026, ce projet a pour ambition de développer des approches innovantes à petite et grande échelle pour promouvoir des systèmes agricoles plus durables à Maurice.

Les jeunes, des acteurs importants dans le développement de l’académie de Terres d’Agroécologie ?

Oui. Les producteurs mauriciens sont plutôt une population vieillissante et il faut pouvoir assurer la relève. Avoir des jeunes déterminés et engagés dans l’agroécologie permettra de rendre cette filière durable. À l’académie de Terres d’Agroécologie, nous avons le plaisir d’accompagner des jeunes très intéressés et impliqués dans ce domaine.

Qu’en est-il des femmes ?

Il est important que toute le monde ait accès aux mêmes opportunités. À Terres d’Agroécologie, nous encourageons la participation des femmes et des hommes dans les formations et les chantiers. D’ailleurs, les femmes étaient très présentes dans nos dernières sessions de formation, notamment celles du National Women Entrepreneurship Council.

Y a-t-il des projets de jardins communautaires ou d’autres initiatives mis en place par Terres d’Agroécologie ?

Terres d’Agroécologie accompagne un projet de coopérative agricole de femmes à Ferney. Elles ont suivi deux parcours de formation de Terres d’Agroécologie et bénéficié d’un accompagnement technique. Il est important de soutenir ce genre de projet, car il permet de rendre l’agroécologie accessible à tous, quel que soit le format et le contexte. 

Comment l’impact des initiatives sur la sécurité alimentaire et l’engagement communautaire est-il mesuré ?

Nous nous sommes fixés un objectif ambitieux : d’ici 2040, nous visons à ce que 50 % de la production maraîchère locale soit issue de pratiques agroécologiques. Cela permettrait de répondre aux besoins alimentaires locaux de manière plus saine, durable et respectueuse de l’environnement.

Comment la communauté locale peut-elle soutenir Terres d’Agroécologie et ses initiatives ?

Notamment en parrainant les frais de formation des porteurs de projets et des agriculteurs, ce qui permet de rendre l’accès à l'apprentissage plus abordable. De plus, ils peuvent faciliter l’installation de nouveaux agriculteurs en contribuant à créer un environnement favorable à leur développement. Ces initiatives aident à renforcer un réseau de producteurs engagés dans l’agroécologie et à promouvoir une production alimentaire plus durable pour la région.

Des objectifs futurs pour étendre l’académie et toucher davantage de monde ?

Oui. Nous avons pour objectif d’étendre l’académie de Terres d’Agroécologie en augmentant le nombre de formateurs et de fermes partenaires. Cela nous permettra de diversifier les formats de formation et d’accroître la fréquence des programmes proposés chaque année. L’académie repose sur un modèle de fonctionnement en réseau, ce qui est essentiel pour atteindre de nouvelles communautés et rendre la formation accessible à un plus grand nombre de personnes. Parmi nos projets figure le développement de l’agroécologie au niveau territorial.

 

Extrait d’un dossier spécial réalisé par Le Dimanche/L’Hebdo et Le Défi Vert, en partenariat avec la MCB.

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